Yassine Chraibi & Faical Adali: Mechanics of belief

À Marrakech, l’art se cache parfois derrière une porte discrète. Chez IZZA – House of Friends, il se révèle dans le calme d’une maison où l’on croit autant à la création qu’à la rencontre.

Au cœur de la médina, entre les ruelles de Sidi Ahmed Soussi, IZZA s’impose comme un lieu à part : à la fois maison d’hôtes, espace d’exposition et plateforme culturelle, où l’art contemporain marocain s’épanouit dans un dialogue constant entre tradition et expérimentation.

Ce qui rend IZZA unique, c’est sa vision. À travers son programme des artistes associés, le lieu soutient des créateurs installés au Maroc en leur offrant du temps, de l’espace et des moyens pour développer de nouveaux projets. Ce modèle, rare dans le pays, favorise la recherche, la collaboration et la prise de risque — des conditions essentielles pour faire émerger des voix artistiques fortes et indépendantes.

C’est dans ce cadre qu’a vu le jour Mechanics of Belief, exposition présentée du 8 novembre au 8 décembre 2025 et réunissant Yassine Chraibi et Faïçal Adali, sous le commissariat d’Aïcha Benazzouz et Natasha Cox.

Deux artistes aux univers distincts mais unis par une même question : comment se construisent nos systèmes de croyance et de pouvoir, et surtout, que reste-t-il quand on les met à l’épreuve ?

Ce soir de vernissage, le lieu vibrait d’une énergie particulière. Dans la douceur des patios et le murmure des conversations, le travail de Yassine Chraibi s’imposait par sa justesse et sa présence tranquille.

Son installation Distributor of Witnesses semblait d’abord ludique : une machine où l’on insère une pièce pour recevoir un petit objet sculptural. Mais en observant les visiteurs, on comprenait vite que le jeu cachait un mécanisme plus profond. Chaque geste répétait un rituel de conformité, une manière d’interroger la croyance comme un système que nous entretenons, parfois sans nous en rendre compte.

Plus loin, Chraibi proposait Fill the Missing Part, une série de dessins complétés par d’autres mains. Un geste d’humilité, presque spirituel, où la création devient collective et le hasard un partenaire. “Je veux que le spectateur sente qu’il fait partie du système”, a-t-il confié ce soir-là, le regard posé sur sa machine qui tintait doucement à chaque pièce insérée.

Il y a dans son approche une rigueur et une douceur à la fois. Yassine Chraibi ne moralise pas : il met en place des situations qui nous obligent à nous regarder agir. Ses œuvres parlent de pouvoir, de contrôle, de foi, mais toujours à travers la matière et le geste. Elles s’ancrent dans le quotidien tout en le dépassant.


En contrepoint, Faïçal Adali proposait une lecture plus visuelle, plus directe de cette mécanique du croire. Ses nouvelles œuvres, inspirées du langage visuel des rues de Casablanca, s’appuient sur ce que l’artiste appelle un vocabulaire pop quotidien, façonné par la culture urbaine et l’expression personnelle.

Dans ses peintures, on retrouve la vitalité des camions décorés de la ville, ces véhicules devenus symboles d’identité et d’appartenance. Pour Adali, ces motifs, ces slogans, ces couleurs criantes racontent une autre forme de croyance — celle qui s’exprime à travers les signes du quotidien, dans le désir d’être vu, reconnu, représenté.

À IZZA, ces deux démarches se répondent sans s’opposer. L’une explore la foi comme expérience intérieure, l’autre comme langage visuel collectif. Et le lieu lui-même, par sa beauté et son ouverture, relie ces univers avec justesse.

Je suis ressorti d’IZZA avec la sensation d’avoir assisté à une conversation sincère entre deux artistes qui, chacun à leur manière, posent la même question : qu’est-ce qui nous fait croire, encore, et ensemble ?

PHOTOGRAPHER : AYOUB BELBARDII
EDITOR : SAMI LAKOUAIT